Cet islamisme armé qui gagne du terrain en Afrique
Écrit par admin sur 07/10/2021
By Nicolas Beau. La 14e édition annuelle de la conférence sur la gouvernance mondiale (World Policy Conférence, WPC), qui s’est tenue le week-end dernier à Abou Dhabi à l’initiative de l’Institut français des Relations internationales (IFRI), a consacré l’un de ses ateliers de travail à la situation du continent africain, gravement menacé par un jihadisme islamique qui gagne du terrain.
La 14e édition de la conférence internationale sur la gouvernance mondiale, organisée par l’Institut français des Relations internationales (IFRI), a achevé ses travaux dans la soirée de dimanche dernier, 3 octobre, au terme de trois journées intenses de conférences, de tables rondes et de débats qui se sont tenus à l’Emirates Palace d’Abou Dhabi (Emirats arabes unis).
Ces assises, qui ont regroupé près de 200 personnalités de haut-rang venues des quatre coins de la planète, ont été marquées par nombre d’interventions importantes dont, notamment, celle de la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo (du Rwanda), qui a notamment exposé la ligne de conduite de l’OIF, mettant l’accent sur la dimension socio-politique de l’action de l’organisation francophone.
Soulignant que l’OIF comprend 88 pays, dont 33 du continent africain et 19 membres de l’Union européenne, Mme Mushikiwabo a indiqué que sa démarche dans le cadre de sa fonction, qu’elle a prise en charge le 1er janvier 2019, repose sur trois piliers : l’égalité entre l’homme et la femme ; le devenir des jeunes ; et le développement du secteur numérique. La responsable de l’OIF a relevé en outre que les relations entre les pays du Sud sont aujourd’hui régies, plus particulièrement, par les problèmes de sécurité.
La menace terroriste
Les questions en rapport avec la sécurité ont été surtout soulevées au cours d’un atelier de travail consacré à la situation de l’Afrique, sous l’angle des enjeux et défis auxquels est confronté le continent africain.
Le vice-président de l’Assemblée nationale du Sénégal et ancien ministre des Affaires étrangères, cheikh Tidiane Gadio (également président de l’Institut panafricain de Stratégies, Paix-Sécurité-Gouvernance), a titré la sonnette d’alarme concernant le danger sécuritaire qui plane sur l’Afrique, relevant que le terrorisme entretenu par les courants jihadistes islamiques ne cessent de gagner du terrain dans certaines zones d’Afrique. « La mouvance islamiste s’est fixée pour objectif de proclamer d’ici 2025 le califat islamique » dans les régions que les jihadistes auront conquises dans le continent africain, a affirmé cheikh Gadio qui a souligné que « le terrorisme est le danger premier qui plane sur l’Afrique ».
Stigmatisant en des termes très sévères les exactions commises à diverses occasions par les jihadistes, le responsable sénégalais a déclaré sur ce plan que « ce qui se passe en Afrique est inacceptable ». « Nous ne pourrons pas développer le continent sans régler au préalable le problème de la sécurité », a-t-il ajouté. Il a vivement stigmatisé à cet égard le laxisme et le silence des instances panafricaines. « C’est l’absence de leadership au niveau du continent qui est responsable de la situation actuelle, a-t-il lancé. L’un des principaux problèmes est l’absence de leadership. Aucun pays africain n’émerge réellement. Il est devenu nécessaire de créer de nouveaux organismes, de nouvelles institutions panafricaines car les institutions actuelles ont atteint leur niveau d’incompétence ».
Un diagnostic largement partagé
Le point de vue de cheikh Gadio a été partagé par d’anciens hauts responsables officiels africains participant à l’atelier de travail. L’ancien Premier ministre du Bénin, Lionel Zinsou, a ainsi confirmé que le danger terroriste s’aggrave du fait que les courants jihadistes gagnent effectivement du terrain. Il a reconnu par ailleurs l’inefficacité des institutions panafricaines, dont l’Organisation de l’Unité africaine (OUA). Il a tenu toutefois à apporter une certaine note quelque peu optimiste, malgré tout, précisant que le taux de croissance dans certains pays africains est assez élevé (entre 5 et 7 pour cent). « Nous avons assisté à un progrès majeur sur le plan de la gouvernance depuis la pandémie », a notamment déclaré dans ce cadre Lionel Zinsou.
Les problèmes de sécurité, perçus sous l’angle de l’instabilité politique, ont été évoqués également par l’ancien ministre des Affaires étrangères et ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin, Robert Dossou (actuellement président de l’Association africaine de droit international), qui a dénoncé « les putschs qui se poursuivent en Afrique, malgré la position officielle de l’OUA qui rejette de telles actions ». Il a d’autre part relevé, en se livrant à une digression, que « les Emirats arabes unis sont sans doute l’un des rares pays au monde à avoir créé un ministère de la tolérance et de la coexistence ».
Un point de vue européen
L’ancien présidente de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale française et présidente de la fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures euro-méditerranéennes, Elisabeth Guigou, a exposé de son côté un point de vue européen sur la situation du continent africain, soulignant qu’il fallait aborder des questions concrètes à ce propos. « L’Afrique et l’Union européenne, a-t-elle déclaré, sont confrontées à des défis communs, et il est nécessaire de ce fait d’œuvrer ensemble afin de relever ces défis ».
Mme Guigou a indiqué dans ce contexte que « le nombre de jeunes qui arriveront sur le marché de l’emploi en Afrique sera deux fois plus grand que le nombre d’offres d’emploi ». « Tout dépendra de l’industrialisation, a-t-elle souligné dans ce cadre. Il faut promouvoir les investissements privés pour développer l’industrie et le marché de l’emploi à l’adresse des jeunes ».
Abondant dans le même sens, l’ancienne Premier ministre du Sénégal Aminata Touré a, elle aussi, mis l’accent sur l’importance de l’industrialisation dans l’optique d’une politique de développement du continent africain. « L’Afrique, qui regroupe 54 pays, est un continent très diversifié, a-t-elle relevé. Nous sommes confrontés à des défis communs, tels que les problèmes de développement. L’Afrique est un continent jeune, ce qui est un atout important. C’est un continent qui crée de la richesse et nous devons de ce fait commercer entre nous ».
Mme Touré a prôné, d’une manière plus spécifique, le développement d’une industrie pharmaceutique africaine. « Le confinement a montré que nous pouvons gérer nous-mêmes notre quotidien au plan sanitaire », a-t-elle souligné, mettant l’accent sur le fait que la pandémie n’a pas provoqué « l’hécatombe que l’on craignait, en dépit de notre système de santé déficient ». « Nous avons adopté avant les autres pays les mesures préventives nécessaires », a-t-elle indiqué, avant de mettre en évidence certaines avancées en termes de développement social, notamment pour ce qui a trait à l’éducation des filles.
L’ancienne responsable sénégalaise a déploré dans ce cadre le fait que les dirigeants africains ne savent pas « faire connaître nos succès ». « L’Afrique a une politique de communication lamentable », a dénoncé en conclusion Mme Touré. Une constatation qui pourrait se résumer en deux mots : l’Afrique, cette inconnue …