Évincée de la Commission européenne, l’économiste Fiona Scott Morton s’en prend à la France

Écrit par sur 13/09/2023

«Il est dérangeant, et triste, que la société française soit si peu sûre d’elle, qu’elle rejette l’idée qu’il puisse y avoir un Américain mû par des principes qui veuille travailler pour l’Europe», dénonce-t-elle, dans un entretien au Telegraph.

 

Fiona Scott-Morton ne mâche pas ses mots. Un mois et demi après son éviction de la Commission européenne, l’économiste américaine exprime sa colère vis-à-vis des autorités qui se sont prononcées contre son arrivée. Et la France en prend tout particulièrement pour son grade, Paris étant à la tête des voix opposées à sa nomination. «Je ne m’attendais pas à être embauchée et licenciée en un rien de temps. Ce n’est pas ainsi que mon monde fonctionne», s’agace l’économiste, dans un entretien au Telegraph publié lundi.
 
 
Se disant «déçue» d’avoir été écartée, la quinquagénaire précise avoir réorganisé «[sa] vie, celle de [sa] famille», afin de rejoindre Bruxelles et de travailler pour la Commission européenne. Des plans qui se sont effondrés en quelques jours. Après les critiques de la France, et notamment d’Emmanuel Macron, l’Américaine n’avait plus le choix : «L’économiste en chef de la direction générale de la concurrence doit être légitime, et avoir le soutien de la communauté qui forme l’Union européenne», indique-t-elle à nos confrères.
Reconnaissant ne pas avoir obtenu l’appui des États membres, Fiona Scott-Morton reste particulièrement remontée contre Paris. «Si la France et le président français sont si inquiets qu’un Américain prenne ce poste, alors je pense qu’il aurait été difficile de bien faire ce travail, car il aurait été marqué par des querelles politiques et bureaucratiques», se justifie celle qui a préféré, in fine, refuser l’offre, malgré le soutien indéfectible de la commissaire en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager. «Je ne voulais pas me retrouver dans une situation où une partie substantielle du pouvoir européen voulait que je parte», ajoute-t-elle également.
 
 
Une vision «totalement fausse»

Malgré son départ, l’économiste n’accepte toujours pas les critiques des Européens, et surtout des Français. «Il est dérangeant, et triste, que la société française soit si peu sûre d’elle qu’elle rejette l’idée qu’il puisse y avoir un Américain mû par des principes qui veuille travailler pour l’Europe», cingle-t-elle. Et de dénoncer les «arrière-pensées» que certains lui attribuaient, alors que des voix qualifiaient sa candidature de «cheval de Troie» pour les intérêts de Washington et des géants de la Tech dans l’Union.

Fiona Scott-Morton se défend également sur ses missions de conseil vis-à-vis des entreprises de la Tech : «Les gouvernements ont le choix. Ils peuvent embaucher quelqu’un qui n’a jamais fait de travail de consultant auparavant. Autrement dit, une personne à qui il manque certaines connaissances pratiques […]. Si vous voulez quelqu’un qui a ces connaissances pratiques, alors [cette personne] doit avoir fait ces missions de conseil, et avoir ce conflit» d’intérêt, prévient-elle.

L’experte en politique de la concurrence s’en prend directement au président français, jugeant «véritablement regrettable» sa vision selon laquelle «le pays figurant sur [son] passeport» puisse affecter son jugement et sa vision économique. «C’est totalement faux, dans mon cas. [Macron] sait probablement que c’est, en général, une mauvaise manière de sélectionner ses talents, dans une organisation», lâche l’économiste. Et d’ajouter que «la France et l’Europe devraient être suffisamment confiantes pour savoir qu’elles proposent un travail attractif pour un Américain».
L’experte, qui a travaillé pour l’administration Obama, met enfin en garde contre l’implication du politique dans les nominations techniques au sein des institutions, y voyant un élément «destructeur pour l’indépendance de l’Union européenne». Les mots sont durs. «Il y a des gens, au sein de l’administration européenne, qui sont prêts à faire passer leurs propres désirs avant le bien-être du peuple», critique-t-elle, estimant que la Commission a avant tout besoin d’embaucher «qui elle veut» pour fonctionner efficacement. Reste à voir si ces remarques seront entendues par les chancelleries européennes, qui sont sorties divisées de cette polémique.
 

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