Un deuxième exemplaire du Traité cédant le Congo de Léopold II à la Belgique
Écrit par admin sur 08/12/2022
Deux exemplaires d’un traité historique à nouveau réunis ! L’un avec des rubans aux couleurs de la Belgique, l’autre aux couleurs de « l’Etat Indépendant du Congo ». Ils avaient l’un et l’autre disparu depuis des décennies.
En 1908, Léopold II décide de céder « son Congo » à la Belgique. Formellement, c’est « l’Etat indépendant du Congo » mais en réalité la propriété du souverain cède un territoire et tout ce qui s’y trouve à l’Etat belge. Des négociations se déroulent pour déterminer les termes de ce transfert de propriété, les traces de celles-ci figurent dans les annexes du Traité, qui n’ont jamais été rendues publiques à ce jour. Mondafrique vous a relaté cela il y a quelques mois.
C’est lors des journées du patrimoine en septembre dernier que la RTBF (la télévision francophone belge) réalise un reportage sur l’exemplaire du Traité retrouvé à la faveur d’une vente publique. Il est exposé dans une vitrine du dépôt bruxellois de la rue du Houblon où sont conservées désormais les archives issues de la colonisation.
Il s’agit de l’exemplaire de l’Etat belge, l’autre celui remis aux représentants de Léopold II n’avait à ce jour pas été retrouvé.
Jean Lefébure, dépositaire du Traité de l’Etat indépendant du Congo. Photo: RTBF Patrick Michalle.
C’est alors que le soir de la diffusion de la séquence au JT, Jean Lefébure, professeur honoraire de l’INSAS (célèbre école de cinéma de Bruxelles), confortablement assis chez lui, a un sursaut : » J’ai réagi immédiatement, en me disant j’ai déjà vu ce document ! Et forcément je l’avais vu parce que ma mère me l’avait remis. Et c’est incroyable mais je l’ai retrouvé tout de suite « .
Jean Lefébure remet ce document aux archives de l’Etat belge qui pense qu’il s’agit d’une blague.
Il prend alors contact avec une connaissance au cabinet du ministre Thomas Dermine qui comprenant l’importance de la découverte lui conseille de le remettre rapidement aux archives de l’Etat. Prévenu, Pierre-Alain Tallier, directeur en charge à Bruxelles de la gestion des archives coloniales croit d’abord à une blague. Mais bien vite, il comprend que son interlocuteur n’a rien d’un farfelu.
Le père de Jean Lefébure, fonctionnaire au ministère des colonies, dérobe le document pour qu’il ne tombe pas aux mains d’un officier nazi en 1940.
C’est Jean Lefébure, le dépositaire du second exemplaire, qui a livré le contexte familial et historique qui lui a permis de rapporter la pièce manquante aux archives de Belgique. A la mort de son père, fonctionnaire au ministère des colonies, sa maman connaissant l’intérêt de son fils pour les vieux documents, lui remet une farde qu’elle a reçue de son mari.
Sans véritablement prendre vraiment conscience de l’importance du document : » mes centres d’intérêt n’avaient rien à voir avec l’Histoire du Congo, j’ai alors tout bêtement classé le contenu de la farde avec d’autres documents que je possédais sans plus y toucher ».
Le traité aurait pu dormir encore longtemps dans une des piles de documents de Jean Lefébure s’il n’avait regardé le journal télévisé. En retrouvant le document, il s’est alors souvenu que sa mère lui avait raconté comment son mari s’était trouvé en possession de cette farde de documents : « Au début de la guerre de 1940, mon père a vingt-sept ans et est fonctionnaire au ministère des colonies. Un officier allemand est venu marquer d’une croix à la craie des caisses et du mobilier qu’il souhaitait voir quitter le bâtiment. Avant l’arrivée des camions de déménagement mon père a pu effacer certaines croix, les replaçant sur d’autres caisses, il a eu l’audace et le courage de soustraire à l’occupant nazi ces documents historiques pour l’Histoire de la Belgique et du Congo ».
Le professeur remet aux archives non seulement le traité, mais le dossier préparatoire complètement inédit
L’archiviste Pierre-Alain Tallier réalise que : « Non seulement on a les deux exemplaires uniques du Traité mais on m’apporte également le dossier préparatoire, les annexes, à cette cession de l’Etat indépendant du Congo! »
Une mine d’or pour historiens et chercheurs. Des notes manuscrites que personne ne possède : « Je n’ai pas pu encore prendre connaissance de tous les documents, dit-il, mais j’ai déjà vu qu’il y a des éléments intéressants, sans compter qu’on a aussi l’explication pour comprendre comment ces documents avaient disparu ».
Les documents sont désormais réunis aux archives de l’Etat, dépôt 2 à Bruxelles (Rue du Houblon) où l’on peut consulter des milliers d’archives en lien avec l’époque coloniale durant les heures de bureau. Le traité et ses annexes seront scannés et mis en ligne rapidement pour le bonheur des amateurs d’Histoire, les historiens professionnels et les chercheurs.